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Critique littéraire, billets d'humeur, entretiens avec des auteurs...

Prix de l'Académie rhénane

Le 18 juin 2011, l’Académie rhénane (ex-Académie des Marches de l’Est) m’a remis son prix annuel de littérature pour l’ensemble de mon travail. À cette occasion le poète Jean-Claude Walter a prononcé un discours, et j’ai lu le petit texte suivant.

Prix de l'Académie rhénaneEn fait j'ai pratiquement toujours écrit. Tout petit déjà, même si ça restait purement oral. J'élaborais des récits dont la caractéristique essentielle était de se limiter exclusivement à leurs débuts et que je me disais en marchant dans la forêt avec ma mère, ou bien assis sur une chaise disposée au milieu de ma chambre et gesticulant comme un frénétique. Évidemment parler d'écriture à ce propos est en partie un abus de langage, mais pas complètement. Je commençais par balayer en esprit l'histoire de l'humanité des mammouths aux soucoupes volantes afin de choisir mon époque, puis je me lançais, le cadre historique choisi suffisait à déclencher instantanément des visions d'armures froissées, de rapières s'enfonçant dans des estomacs, de grognards succombant en masse à la mitraille, de détectives rasant les murs en étreignant au fond de la poche de leur imper un revolver.

Quand je dis des visions c'est une façon de parler, au fond ces visions étaient en grande partie des phrases. Certaines visions tournaient verbales et à l'inverse de longs moments de logorrhée précipitée venaient se perdre au bord d'un tremblement lumineux où se déployaient des étendards et gémissaient des olifants. Et alors, seulement des débuts. La plupart du temps in medias res. Après quelques mesures de musique introductive avec imitation de buccins et de cymbales et annonce du titre sur un ton chargé de promesses, on tombait en plein dans une scène d'étripage, gladiateurs, Thermopyles, tournois, bagarre au saloon, combat aérien où l'on voyait les Messerchmidt piquer en flammes. Je me mettais complètement en nage pendant deux heures puis je m'arrêtais d'un coup en murmurant à suivre, mais rien ne suivait jamais. La fois d'après je survolais de nouveau l'Histoire et je commençais dans un autre secteur de l'espace-temps l'évocation d'un nouveau massacre avec cliquetis giclements clameurs et ruissellement d'intestins. C'était beaucoup plus beau comme ça. L'espace d'un instant on avait vu derrière la mêlée colorée l'enchevêtrement de causes et de conséquences qui partait d'elle pour composer dans la pénombre un gréement fantastique, il suffisait de savoir qu’il était là, la masse de corps imbriqués qui le portait pouvait s’estomper dans le silence de la chambre comme une frégate, avec tout son poids d’épisodes, tandis qu’en grommelant suite au prochain épisode je remettais ma chaise en place en face de mon petit bureau.

P. A.

                                                                                              

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