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Critique littéraire, billets d'humeur, entretiens avec des auteurs...

Étrangers de Paris, Alexandre Vialatte (Le Bateau ivre)

Étrangers de Paris, Alexandre Vialatte (Le Bateau ivre)On n’en a jamais fini avec Vialatte. En plus des romans et récits, les articles, chroniques et billets que l’auteur des Fruits du Congo publia dans mille journaux et magazines divers semblent une mine inépuisable. Les passionnants Cahiers des Amis d’Alexandre Vialatte (voir ici) en exhument régulièrement de nouveaux. Ici, c’est, pour parler un peu comme ferait le maître, un éditeur raffiné et breton qui s’y met. Le Bateau ivre, installé à Perros-Guirec (son granite rose, ses plages), rassemble en une mince et élégante plaquette bleue des reportages réalisés en 1932 pour Le Figaro, où ils parurent au début de l’année suivante.

 

Vialatte a trente et un ans. C’est un jeune journaliste qui est déjà l’auteur des premières traductions en français de Kafka (Le Château), et d’un roman (Battling le ténébreux). Il va rencontrer, dans différents quartiers de la capitale, des Indiens, des « Orientaux » (entendez par là « des Libanais (…), des Syriens, des Égyptiens, des Tunisiens, des Marocains »), des Russes, des Chinois. Il les interroge et parle de leur vie.

 

Vialatte est bien là tout entier, attentif à la poésie et à la double absurdité que le statut d’étranger fait naître. Car l’étranger, ses coutumes, son allure, sont absurdes pour qui les observe, et l’étonnement de ce dernier est absurde pour les mêmes raisons. Cette réversibilité se résumait dans la fameuse interrogation de Montesquieu, que notre enquêteur reprend et pastiche « avec enthousiasme » : « Comment fait-on pour être Hindou ? », « Comment fait-on pour être Russe ? ».

 

Il semble s’amuser des singularités et des accents (les Chinois de Paris « portent tous des petits noms grêles comme un éternuement qu’on étouffe du mouchoir. Quand ils le disent tout entier ça se déplie comme une papillote et ça résonne comme les baguettes à manger le riz avec un petit bruit de xylophone »). En réalité, ce sont les clichés qu’il raille (« — En somme les Russes ressembleraient parfaitement au type vulgarisé par notre littérature ? — Mais oui »). Il s’indigne au passage, à sa manière, légère, des difficultés qu’éprouve à se faire naturaliser un « patriote libanais » pourtant auteur d’une « ode à M. Millerand ». Et ne manque jamais de suggérer que ceux qu’il rencontre « sont des gens sans tapage, doux et polis », qui, à l’occasion, enseignent « la physique, comme tout le monde, dans un collège des environs ».

 

Tout cela conduisant à une chute inévitable : « Nous vivons sur un préjugé : les Européens ne sont pas blancs ; ils sont brique, mauves ou lilas ; ils sont couverts de poils, de verrues, de protubérances ; il faut les connaître rudement bien pour les distinguer sans erreur ».

 

P. A.

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