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Critique littéraire, billets d'humeur, entretiens avec des auteurs...

Une nouvelle version de l'Enfer

expositions.bnf.frActes Sud publie une nouvelle version, bilingue, de La Divine Comédie, dont le premier volet, l'Enfer, paraît cette semaine. Traductrice de Catulle, d'Ovide et de Paul Auster, Danièle Robert, sur la page de gauche et face au texte italien, respecte l'usage de la trezina, strophe de trois hendécasyllabes, utilisée tout au long de l'œuvre et obéissant, sur le plan des rimes, à un système complexe quoique souple : a b a / b c b… (en principe). Ce choix n'est pas seulement celui d’une fidélité littérale et formelle : ce qui s'inscrit ainsi dans la structure même du poème, c'est la notion de trinité, par ailleurs sous-jacente à tous les niveaux ­— trois poèmes, neuf cercles, etc.

 

L'autre grande nouveauté, c'est la restitution du mélange des niveaux de langue, du soutenu au trivial, qui va de pair, chez le père de la littérature italienne, avec l'alternance des registres, du lyrique au grotesque. En voici, dans l'ordre inverse, deux exemples :

 

« Il gueula : "Pourquoi cet avide besoin

de me regarder plus que tous ces cracras ?"

et moi : "C’est que, si je me souviens bien,

 

je t’ai vu avec les cheveux secs, déjà :

tu es de Lucques, Alessio Intermini,

je t’ai à l’œil plus que les autres pour ça."

 

Alors lui, se secouant la crécelle :

"Ici m’ont submergé les flatteries

à quoi ma langue ne fut jamais rebelle." »

 

(Chant XVIII ­— on y voit les flatteurs plongés éternellement dans de vastes latrines)

 

 

« Par moi l’on entre en dolente cité,

par moi l’on entre en infinie douleur,

par moi l’on va parmi les égarés.

 

Justice a mû mon souverain auteur ;

ce qui m’a faite est divine puissance,

sagesse extrême et amour antérieur.

 

Auparavant, il n’y eut nulle engeance

que l’éternelle, éternelle je dure.

Vous qui entrez, laissez toute espérance. »

 

(Chant II — le programme y est annoncé sur la porte, que franchit le poète en compagnie de son guide, Virgile)

 

 

Danièle Robert justifie, dans une préface concise et intéressante, ses différents choix. Parmi ceux-ci, la présence en fin de volume des indispensables notes. L’ensemble reste cependant exceptionnellement aéré et d’aspect peu rebutant.

 

La semaine prochaine paraîtra également, chez le même éditeur et selon les mêmes principes, Le Poème du Rhône, de Frédéric Mistral, traduit en face du texte provençal par Claude Guerre.

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