Critique littéraire, billets d'humeur, entretiens avec des auteurs...
Pour fêter le dixième anniversaire de mon blog, créé en septembre 2011, j’ai demandé à des écrivains que j’ai rencontrés ou dont j’ai parlé au cours de ces dix années de répondre à une question : « Aimez-vous parler de vos livres ? » Les textes qu’ils m’ont fait l’amitié de m’adresser paraîtront, à raison d’un par semaine, dans l’ordre où ils me sont parvenus.
Hélène Veyssier est l’auteure de deux romans, Jardin d’été (2019) et Comme une ombre portée (2020), parus tous deux chez Arléa (voir ici et ici). Ces récits apparemment solaires recèlent en leur centre une zone d’ombre qui en est la part essentielle. D’où l’atmosphère un peu magique qui les baigne : échos, coïncidences, objets qu’on sent chargés d’un sens métonymique et mystérieux ne sont pas sans rappeler le romantisme allemand. Tout cela dans une langue musicale et subtile.
Je relis le mail, la proposition, je regarde la table sur laquelle est posé mon ordinateur, bois patiné, quelques veines à peine visibles, une ou deux taches sombres que le rénovateur n’a pas réussi à faire disparaître, je regarde la fenêtre, le ciel comme s’il pouvait m’inspirer, les mésanges viennent, se posent sur la barre d’appui, elles ont couvé dans le nichoir que nous avons accroché dans l’angle.
« Ceci me dis-je, ceci est beau, quel cadeau elles nous font ! » Et je voudrais, oui je voudrais moi aussi faire, du beau, trouver à dire sur ce sujet que Pierre Ahnne propose, et que ce soit juste. Hélas, l’expression est appropriée : « ça ne me dit rien », ou plus moderne et plus intello mais calqué : « ça ne me parle pas », bref ça ne m’inspire pas, ou ne m’inspire que de la peur d’y être impuissante. Soudain les taches qui maculent la table me sautent au visage, les nuages au ciel s’assombrissent, les mésanges s’envolent. Mais, courage Hélène. Pour être au vrai, au plus près de moi-même, je dois le dire, je n’aime pas parler de mes livres. Sans doute pourrais-je si c’était vraiment nécessaire, mais je n’aime pas. D’abord je suis timide, (ridicule à mon âge !) et puis quoi ! dire que c’est autobiographique et que ça ne l’est pas ? Dire d’où l’idée de l’histoire m’est venue, ou d’autres choses encore ? Non, c’est écrit, c’est fait, c’est fixé après moultes lectures, parfois hésitations sur un mot, une virgule, une intonation même, car bien sûr on lit à haute voix pour que le texte engendre sa suite dans le rythme qu’il doit. Comme dit Marie Hélène Lafon on a « remis sur le chantier ». J’ai remis, tant de fois, et que dire alors qui pourrait enrichir, expliquer, accompagner. Le texte ne s’accompagne pas, on le lâche, il va seul, nu, et il chante ou il meurt.
D’autres en parlent, dans des articles, et que de mercis sont dus à tous ceux qui le font, certains si doués, avec la distance qu’il faut, autorisés, écoutés, qualifiés pour cela, pour appeler les lecteurs à lire nos romans, pour les faire connaitre, après coup. Si la critique est bonne, encouragements, applaudissements, et c’est souvent le cas, pour l’auteur qui la lit, alors là quel bonheur ! et si quelque reproche, alors infinie tristesse. Je n’aime pas parler de mes livres, ces mots, les vôtres, Pierre Ahnne, et ceux des autres critiques et blogueurs je ne saurais pas les trouver, je n’ai pas la distance nécessaire.
Très bon anniversaire à votre blog magnifique.
Hélène Veyssier