Critique littéraire, billets d'humeur, entretiens avec des auteurs...
Voilà un an et demi je disais ici même combien j'avais aimé le roman d'Alain Defossé, On ne tue pas les gens. Aujourd'hui il publie sous le titre étrange d'Azure une suite de petites fictions chez Émoticourt, maison en ligne spécialisée, comme son nom l'indique, dans les textes brefs. Pour une somme modique ceux-ci sont téléchargeables sur une liseuse ou, en format PDF, sur un ordinateur (link).
Titre, disions-nous, énigmatique, et pour tout dire un peu agaçant : l'e final qui ouvre le mot à un dehors où il semble rester en suspens crée une gêne minuscule, un vague déséquilibre. Entre azur et azuré, faut-il le prononcer ou pas ? On pense à une fissure, à un défaut à peine visible dans ce qu'on aimerait imaginer comme un bloc homogène et plein.
De fait, chacun des neuf textes paraît naître et se développer à l'intérieur d'une zone de fracture infime. D'ailleurs tout s'y passe toujours dans des durées très brèves ou des espaces très étroits (« seize mètres carrés », « vingt-cinq mètres carrés » où tient parfois une vie). Comme si Alain Defossé avait voulu thématiser et épuiser la notion même de « texte bref ».
Il y a là des portraits (« Elle », « Célina »), des incidents dérisoires (« Hier », « Coup de grâce »), parfois tranquillement gonflés en discrètes apocalypses (« 15 mai »). Ce sont aussi de simples variations sur un thème de départ qui tient en une phrase, en quelques mots : « comme un éclair » ; « emporte-moi » ; « j’aime ton silence » ; « je rêve d’Erevan »…
Dans ces cadres resserrés se déploient soliloques et litanies — des phrases courtes égrenées par associations sonores autant que d’idées, et qui produisent vite un effet légèrement hypnotique. Il y a du Beckett dans cet art de l’infiniment petit où le réel semble se réduire au fil de la conscience ou de la voix. En plus doux, plus chantant. Mais le passage du temps et la mort sont toujours au cœur du calme et de l’élégance — comme une fêlure dans l’azure.
P. A.