• Conversations silencieuses — l’art, la beauté et le chagrin, Olivier Schefer (Arléa)

    www.imgrumweb.comC’est le récit d’une éducation particulière… Certes, il y est question de parents qui se séparent, de ce qu’un enfant ignore ou ne devine qu’à demi, pendant ses tête-à-tête avec un père peu causant, au long de mercredis rituels — « Nous menions alors ce que j’appellerais nos "conversations silencieuses" ». Et on y trouve aussi des déjeuners de famille, autour d’une grand-mère dont on ne découvrira que plus tard l’autre visage et l’existence moins insouciante.

     

    Mais l’éducation ou, peut-être, l’initiation dont nous entretient ici le philosophe et professeur d’esthétique Olivier Schefer, c’est celle d’un regard s’éveillant à sa propre contemplation, et à cette autre « conversation silencieuse » que mène avec la peinture celui qui l’observe.

     

    Les deux fils s’entrelacent, dans ce texte bref qui n’est ni seulement récit ni vraiment essai, et qui joue avec les deux genres. Car c’est le père, encore lui, qui, à sa manière, sans discours, montre, pour la première fois, la peinture à son fils, par le biais des volumes de la collection Tout l’œuvre peint. Et le narrateur lui-même, lequel ne se cache pas d’être l’auteur, tentera de réitérer auprès de ses propres fils cette transmission. Avec plus ou moins de bonheur, mais qui sait ? « Eux aussi ont dû voir quelque chose, à leur rythme si différent du mien… »

     

    Regards croisés

     

    Qui sait, et comment savoir ? Si le texte paraît suivre des détours capricieux, avançant par associations et par fascinations — pour les images de fruits, d’animaux… —, le motif récurrent du corridor indique bien que se redessine ici un acheminement et, mieux, une naissance. Car ce corridor, c’est celui de l’appartement du père, celui de l’ « hôtel de province » évoqué par Proust et où il aurait rêvé de créer loin de tout signe de culture, c’est celui qui mène aux salles de cinéma ou aux galeries des musées, mais tous ne sont que les « modulations érotiques et mystérieuses d’un premier couloir dans lequel nous nous sommes avancés ».

     

    Naître à notre regard. Lequel constitue toujours, telle est l’idée centrale de ce petit livre, une réplique à celui que le tableau dirige vers nous et par lequel il nous fait signe. « Des œuvres nous appellent et nous répondons présent », prêts pour « un étrange et difficile face-à-face », une « discrète révélation ». Et le paradoxe n’est qu’apparent si Olivier Schefer la cherche, de façon privilégiée, dans la contemplation des œuvres de Watteau, le peintre, dit-on, des apparences fugaces. N’est-ce pas dans leur image suspendue que réside justement la « vérité nue et sans fard » dont l’art, silencieusement, nous entretient ?

     

    P. A.

     

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