• Xavier Bazot, aimez-vous parler de vos livres ?

    Pour fêter le dixième anniversaire de mon blog, créé en septembre 2011, j’ai demandé à des écrivains que j’ai rencontrés ou dont j’ai parlé au cours de ces dix années de répondre à une question : « Aimez-vous parler de vos livres ? » Les textes qu’ils m’ont fait l’amitié de m’adresser paraîtront, à raison d’un par semaine, dans l’ordre où ils me sont parvenus.

     

    « Saisir l’ensemble dans une seule phrase »… Cette formule, qu’il utilisait dans l’entretien donné par écrit à ce blog, pourrait résumer l’impossible exigence qui commande l’écriture de Xavier Bazot. Elle explique son usage particulier de la syntaxe, laquelle tend à reproduire la simultanéité du tableau plutôt que de se soumettre aux lois de la successivité narrative.

     

    Dans une telle entreprise, notre auteur se reconnaît, dit-il, de « grands prédécesseurs », tels Arno Schmidt, Gadda, Pavese… Il la poursuit de livre en livre, qu’il évoque son enfance (Un fraisier pour dimanche, Le Serpent à plumes, 1996), qu’il parle du couple (Tableau de la Passion, P.O.L., 1990) ou du monde du cirque, qu’il a jadis côtoyé (Camps volants, Champ Vallon, 2008). Dans son dernier livre, Fresque et mosaïque, paru cet automne à L’Atelier contemporain (voir ici), c’est la vie familiale qui lui sert de thème, et lui permet de brosser, en revisitant le genre de la confession, un autoportrait éclaté.

     

     

    ©Xavier Bazot

     

     

    Dans aucun de mes textes jusqu’à Fresque et Mosaïque, publié en ce mois d’août 2021, alors que mon matériau est autobiographique, je ne fais référence à mon écriture. C’est un choix, je ne suis pas féru de théâtre dans le théâtre. Dans Fresque et Mosaïque, qui raconte la vie de ma famille durant l’enfance et l’adolescence de nos filles, je suis amené à mentionner mon métier, car il implique un certain mode de vie, tissé de bourses et de résidences d’artiste. J’aurais pu me prétendre peintre, ou sculpteur, mais je connais mal les problématiques de ces autres métiers.

     

    Mon travail ne naît pas d’une théorie littéraire que j’appliquerais. Mes livres sont chacun le fruit d’une nécessité, qui s’impose un beau jour à moi. C’est pourquoi je puis demeurer longtemps sans publier.

    Je n’ai pas conduit de réflexion sur mon écriture avant de rencontrer le public. Au fur et à mesure de mes publications, j’ai été invité à présenter mon travail à un public qui ne le connaissait pas. C’est à la faveur de mes prises de parole que j’ai formalisé ma pensée sur le livre objet de la rencontre comme sur l’ensemble de mon œuvre. Je ne renonce pas à ce beau mot d’« œuvre », qui ne préjuge en rien de sa qualité mais qui fait appel à la notion d’un tout, que je construis de livre en livre, même si, de cette construction, l’architecture ni les techniques mises en œuvre ne sont préméditées, voire conscientes au moment où j’écris.

    Poser ma candidature à des bourses de création ou de résidence, exercice que j’ai souvent pratiqué afin de pouvoir continuer à écrire, a été la deuxième occurrence où j’ai été amené à parler de mes livres, cette fois par écrit.

    Ma réflexion porte plutôt sur ce qui est accompli, elle vient après coup.

    J’ai plus de mal à parler à l’avance du livre que je veux écrire, ainsi qu’il vous est demandé si vous sollicitez un soutien financier.

     

    En quoi cette expérience de parler de mes livres est-elle bénéfique ?

    Elle permet que je m’interroge sur la syntaxe de mes phrases, le pourquoi des inversions et des enchâssements qui les agencent et les habitent ; de me rendre compte que je vois la scène que je relate comme une photo, un instant suspendu, qui doit alors être restituée par l’unicité d’une phrase ; de mieux appréhender comment je parviens à transformer un matériau autobiographique en une fiction ; de différencier une structure verticale, historique, avec une intrigue et un point focal, d’une structure horizontale, géographique ; de comprendre pourquoi la narration de Stabat Mater débute par les événements les plus récents pour remonter aux plus anciens, ce à quoi je n’avais pas réfléchi au moment de l’écriture, etc.

     

    Est-ce que cette réflexion influe sur le thème ou la forme ou le style du livre à venir ? Non. Je ne me dis jamais : je vais aborder tel sujet. C’est le sujet qui s’impose, parfois en réponse aux préoccupations et à la trajectoire de ma vie, et qui va décider de la forme, de la structure du texte. Quant au style, induit par l’oreille musicale, qui crée des inversions, des rythmes et des rimes au sein de la prose, il épouse la phrase, dont la syntaxe rassemble les membres d’Osiris, selon l’expression d’Ezra Pound. Je ne sais pas comment va s’écrire le livre qui vient. Je pense qu’écrire ne s’apprend pas. Ne s’enseigne pas. Ce que le travail de mes textes passés a pu me transmettre ne va m’être d’aucune aide pour le texte présent.

     

    Si une présentation de mon travail au public a lieu sous la forme d’un entretien, je puis être dérouté par les questions de la personne qui anime, parce que ces questions sont extérieures à moi. En revanche je suis capable de parler durant une heure à un auditoire de mes livres sans aucune introduction ni appui venant de l’extérieur. Je note d’ailleurs qu’il m’est bien plus aisé de m’adresser à un ensemble de cinquante personnes qu’à une poignée de lectrices ou lecteurs. La prestation de l’auteur.trice devant le public est un spectacle, un « one wo.man show ». Je dois avouer que j’aime une telle situation. Ce plaisir ressenti doit toutefois plus à l’attrait de la scène qu’au fait de parler de mes livres. Mais j’ai eu de l’agrément à écrire ce texte.

     

    Xavier Bazot

     

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