• Entretien avec Thierry Dancourt

    À la lecture de Jardin d'hiver (La Table ronde, 2010, et 10-18, 2013), j'avais été séduit par le raffinement et l'élégance de ce roman dont l'auteur paraissait se soucier si peu de toute mode.

     

    Thierry Dancourt est l'auteur de deux autres livres, Hôtel de Lausanne et Les Ombres de Marge Finaly (La Table ronde, 2008 et 2012). Dans tous ces ouvrages, on retrouve la même précision de l'écriture, alliée au sens de la musicalité ainsi qu'à un goût décidé pour les quartiers perdus et les femmes énigmatiques. La mélancolie s'y tempère d'ironie discrète.

     

     

    Entretien avec Thierry Dancourt

     

     

    Comment en êtes-vous venu à écrire ?

     

     En fait j'écris depuis toujours. Au début, un peu comme tout le monde, j'ai écrit des textes, de petites nouvelles, sans penser à quelque chose de plus important. Et puis au bout d'un moment on éprouve le besoin d'aller plus loin. Mais il s'agit surtout pour moi d'une envie, d'une sorte de mouvement naturel qui me pousse à ça, depuis la fin de l'adolescence.

     

     Comment écrivez-vous ?

     

     Je rédige d'abord à la main deux ou plutôt trois versions successives. Puis je les tape à la machine mécanique. J'ai travaillé à l'ordinateur au début, quand ces nouveaux outils sont apparus, mais en fait je me suis aperçu que je gagnais du temps en travaillant à la machine. Le rythme de la phrase, l'espace de la page, plus proche de celle du livre, me conviennent mieux. Ensuite, je donne le texte à saisir à quelqu'un d'autre. J'évite ainsi la tentation des variantes à l'infini. Bien sûr, c'est moins simple pour les modifications : il faut découper de petites bandes de papier, les coller… Mais encore une fois, au total, on gagne du temps. Il me semble en effet que le cerveau est moins sûr de lui quand les changements sont plus faciles à réaliser. Quand on sait que ça va être fastidieux, on se donne moins le droit à l'hésitation. Je considère ce retour à la machine à écrire comme un grand pas en avant.

     

     Écrire, est-ce pour vous un travail ?

     

     Pas vraiment, dans la mesure où il s'agit pour moi d'un réflexe naturel. Il y a un côté pénible, bien sûr, c'est difficile, mais rien à voir avec le travail dans la mine. Je rédige aussi des textes de publicité, pour gagner ma vie. Dans ce domaine on a l'impression d'avoir en permanence quelqu'un derrière soi, qui vous rappelle que vous ne pouvez pas écrire telle ou telle chose. Ce n'est pas le cas avec le roman (semble-t-il), qui est un espace de liberté (même si c'est une illusion).

     

     Y a-t-il des auteurs dont vous vous sentez proche ?

     

     Patrick Modiano, bien sûr. Et puis j'ai beaucoup lu, à une certaine époque, les écrivains du nouveau roman. Le Michel Butor de L'Emploi du temps et de La Modification, Marguerite Duras, avant qu'elle ne fasse du Marguerite Duras, Nathalie Sarraute, le premier Robbe-Grillet… sont des auteurs qui m'ont marqué. Philippe Roth aussi, celui du début, de Portnoy… J'aime aussi Philippe Sollers. Et Montherlant, qu'on ne lit plus guère, je crois, mais qui est un styliste étonnant. J'apprécie également l'univers singulier d'un auteur peu connu, mais qui gagnerait vraiment à l'être davantage : Marie Le Drian.

     

    De façon générale je commence beaucoup de livres, et je ne les termine pas toujours…

     

     Les lieux, les objets, les atmosphères jouent un rôle essentiel dans vos romans. Diriez-vous que l'intrigue y est secondaire ?

      

    Elle se construit d'elle-même. Je ne cherche pas à raconter des histoires. Elles émergent peu à peu au fil de l'écriture. Pour que le roman tienne, il faut une intrigue qui fasse l'unité en amalgamant des éléments épars. Mais l'intrigue n'est jamais pour moi le moteur.

     

     D'où vous vient ce goût pour les années 50 et 60, pour les lieux un peu désuets et de façon générale pour bien des choses qui pourraient apparaître comme étant de l'ordre de l'inactuel ?

     

     Je me méfie de «la modernité», qui demain, par définition, sera de l'antiquité. À mes yeux c'est un piège. Il n'y a pas de téléphones portables dans mes romans, c'est vrai. Mais si on parle aujourd'hui de l'I-phone 5, dans un an, ou même la semaine prochaine, on fera figure d'homme de Néandertal… J'essaie de façonner des personnages et des situations qui soient de l'ordre de l'intemporel. Pourquoi les années 60 (plutôt que 50) ?... Je crois que c'est un peu dans ma tête une époque idéale. Celle d'avant que les choses ne commencent à se dégrader complètement.

     

     La nostalgie du passé, l'évanescence du présent, l'absence, en un mot, semblent au cœur de votre travail. Cela fait-il de vous un poète ?

     

     Pas au sens technique du terme. J'attache une grande importance au rythme, mais la poésie engage des compétences auxquelles la prose ne fait pas appel.

     

    Cela dit, c'est vrai que je recherche des ambiances, des situations, plutôt qu'une trame narrative. Ce qui me donne le plus de mal, c'est, ensuite, de rassembler et de raccorder ces morceaux, d'accrocher les wagons.

     

     Sur quoi travaillez-vous en ce moment ?

     

     Oh, je vais avoir du mal à en parler ! Il y a bien un projet, mais il est encore flou. Et puis, tant que ce n'est pas fait…

     

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