• http-_medias.larousse.frDans certaines publications on peut encore lire quelquefois à propos de la littérature des choses vraiment intéressantes, stimulantes et qui donnent à penser, même si on n’est en rien d’accord avec elles. Ainsi le numéro 1139 de La Nouvelle Quinzaine littéraire contient un article intitulé « La nouvelle et la crise du roman ». Bernardo Toro s’y interroge : pourquoi la nouvelle, en France, après un âge d’or au XIXe siècle, a-t-elle connu la marginalisation dont, soit dit en passant, elle me semble depuis quelque temps déjà être sortie ?

     

    Le syndrome du riquiqui

     

    L’auteur de l’article n’est pas de cet avis, visiblement. Mais, pour lui, si la nouvelle a périclité, c’est qu’elle a été supplantée par le roman, sauf que celui-ci n’en est plus un. Le roman français d’aujourd’hui, en effet, serait « une sorte de longue nouvelle » — « petit nombre de pages », personnages peu nombreux, « point de vue unique » et « trame narrative resserrée ». Maylis de Kerangal, ses ponts et ses vivants, Céline Minard et ses cow-boys, sans parler de Littell et de ses Bienveillantes, risquent de ne pas être contents. Quant à moi, qui peste sans trêve contre la multiplication des pavés, je reste perplexe. Mais continuons.

     

    À l’inverse, dans les pays « où la pratique de la nouvelle reste forte et vivante », c’est-à-dire, bien entendu, « outre-Atlantique », « le roman reste un genre polyphonique, ample et puissamment architecturé ». Nous y voilà. Le fameux roman américain, si puissant, face au pauvre petit roman hexagonal (pardon : germanopratin) tout riquiqui. Pour ce qui est du premier il n’y a qu’à songer, par exemple, à La Route, de Cormac McCarthy, avec ses deux personnages uniques et le déroulé linéaire qui fait justement sa « puissance »…

     

    Absorption

     

    S’il y a une crise du roman, que ce soit en France ou ailleurs, c’est plutôt, me semble-t-il, en ce sens que sa capacité intrinsèque d’absorption a permis au genre de tout accueillir, distendant ainsi ses limites au point que le mot est devenu, pour les adolescents, synonyme de livre (L’Avare, célèbre roman de Molière). Le roman avale tout : poésie (relisez mon récent entretien avec Célia Houdart), autobiographie (inutile de donner des exemples), biographie (on en sait quelque chose !), nouvelle (faisons plaisir à Bernardo Toro), et même théâtre — pensons à tous ces écrivains de la voix que l’auteur paraît ignorer et qui, de Céline à Beckett, Thomas Bernhard et au-delà, ont si radicalement contribué à renouveler le genre. Car si crise il y a, elle est peut-être féconde. Que le roman, en effet, doive être nécessairement polyphonique, trapu, costaud, etcetera, me paraît bien relever du cliché, et du formatage que voudrait imposer le creative writing à l’américaine — dont certains écrivains américains, tant mieux, se moquent.

     

    Formes fantômes

     

    Mais Bernardo Toro sait ce que le roman doit être, et cela lui permet de chercher les causes de la triste situation de la fiction nationale dans une crise jamais surmontée du roman français, dont il situe l’acmé entre 1890 et 1930 (c’est au tour de Proust, Gide et Céline de battre des mains dans leurs tombes). Si cette crise ne s’est au fond pas dénouée, c’est que les romanciers français n’ont pas vraiment intégré les acquis de la révolution littéraire venue du monde anglo-saxon (c’est reparti). Joyce, Woolf, Faulkner ont renouvelé le roman. Faute d’avoir perçu l’importance du bouleversement qu’ils ont apporté, la littérature française serait restée prise dans le « deuil impossible » du roman balzacien, qu’elle s’échinerait, en une oscillation sans issue, à rejeter ou à reproduire. Mais la nouvelle, dans tout ça ? Eh bien voilà : les œuvres que l’on vient de citer seraient toutes « travaillées en profondeur par la forme courte » : Le Bruit et la fureur, en somme, quatre nouvelles ; Ulysse, une suite de fragments…

     

    Bref, si on comprend bien, les uns écrivent des nouvelles déguisées en romans, les autres des romans composés de nouvelles. Tout ça n’est pas très clair, et repose peut-être sur des catégorisations qui, précisément, n’ont plus cours, la modernité ayant fait éclater des genres qu’elle maintient, c’est là sa singularité, à l’état de formes fantômes.

     

    Reste qu’en parallèle le roman « balzacien », et des deux côtés de l’Atlantique, va bien. Pourquoi ? Voilà une vraie question…

     

    P. A.

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  • photo Pierre AhnneLe titre pourrait prêter à confusion. C’est celui du plus long des quelque vingt textes composant ce livre paru en 1982 à Bucarest avec certaines amputations, puis réédité au complet à Munich en 2010. Le lecteur de la belle traduction qu’en fait Nicole Bary pourrait croire que les dépressions dont il s’agit sont d’ordre psychique, et ces évocations d’une enfance et d’une adolescence roumaines risqueraient de ne le détromper qu’à demi. Mais le titre allemand, Niederungen, désigne des dépressions au sens géographique du terme, des creux, des affaissements, des bassins, des cuvettes. Sans autres ambiguïtés que celles de la métaphore, donc, il correspond parfaitement aux deux visages qui se superposent dans ce livre étrange et beau.

     

    Allemands ou Russes ?...

     

    Les bas-fonds dont il est ici question, ce sont d’abord ceux d’un village dont tous les récits tiennent plus ou moins la Chronique, pour reprendre le titre de l’un d’eux. Village lui-même enfoui dans cette zone en partie germanophone de la Roumanie qui serait restée dépressionnaire et ignorée sans l’écrivaine, Prix Nobel 2009, qui en est issue. Les nouvelles constituant le recueil peuvent d’abord être lues sous l’angle de la satire. Satire impitoyable d’un micro-univers « souabe » où règnent l’alcoolisme, les préjugés et la frénésie ménagère : « La mère retire les battants de la fenêtre de leurs gonds et les lave dans un grand baquet en fer-blanc. Ils sont si propres qu’on voit dedans tout le village comme dans le miroir de l’eau. On dirait qu’ils sont eux aussi en eau. On croirait que le village lui aussi est de l’eau ». L’Histoire, toujours à l’arrière-plan, n’est jamais loin. Quand les écoliers jouent au ballon prisonnier, ils « se partagent en deux peuples » mais tous veulent être allemands et le professeur a du mal « à convaincre un nombre suffisant d’élèves d’être des Russes ». Il est vrai que tous les habitants au-delà d’un certain âge semblent avoir séjourné quelque temps dans un camp soviétique après la guerre. Et la gestion de « la coopérative agricole » ou de « la ferme d’État » n’échappe pas non plus au génie comique de Herta Müller, dont les longues phrases semées de répétitions excellent à traduire le sentiment de l’absurde.

     

    Qu’est-ce que l’essentiel ?

     

    Cependant Dépressions fait plus que porter témoignage d’une enfance derrière le rideau de fer. Plus profondément, pourrait-on dire, le titre renvoie à un texte qui s’écrit avant tout dans les creux du récit, lequel, devenu à son tour une toile de fond, ne se laisse apercevoir qu’au loin et par intermittence. Ainsi de Poires pourries, où l’essentiel (l’adultère du père et la découverte du sexe par l’enfant) reste une simple anecdote prise dans le réseau des sensations nées d’une brève escapade dans une campagne inconnue. Tout l’art de Herta Müller est dans ce qu’on pourrait appeler ce renversement des priorités.

     

    Car qu’est-ce que l’essentiel ? Aux yeux de l’enfant, dont la nouvelle éponyme travaille à restituer la vision du monde, les choses, les animaux, les perceptions infimes et, aux yeux de l’adulte, inutiles, tiennent toute la place. Et le texte s’organise en brefs tableaux qui semblent n’avoir d’autre raison d’être que l’intensité pure des instants qu’ils évoquent : « Les raisins d’encre cuisent au soleil sous leur peau très fine. Je fais des pâtés, je réduis en poudre des briques pour en faire du paprika rouge, je m’écorche la peau du poignet. Ça brûle jusqu’à la moelle ». Ou encore : « Le village n’a plus de centre et la chaleur pousse le crépuscule dans les jardins et le fait enfler. Les herbes sauvages referment leurs fleurs d’un jaune lumineux ».

     

    « J’étais un beau paysage de marais »

     

    Ces images se succèdent souvent sans qu’on perçoive la logique qui préside à leur enchaînement, laquelle, là encore, n’apparaît qu’après coup, dans un éclair quelquefois lumineux. Logique proche de celle du rêve, qui se mêle naturellement à la réalité dans ce monde où les sensations aussi s’interpénètrent : « J’avais le sentiment que le train sortait de mon cou » ; « J’allai à la rivière et me fis couler de l’eau sur les bras. Des hauts buissons jaillirent de mes bras. J’étais un beau paysage de marais ». Si le texte, disposé en brefs paragraphes qui sont par moments autant de phrases, tend à prendre l’aspect du poème, ce n’est pas pour des raisons d’ordre décoratif. Comme en poésie, des rapports inaperçus entre les êtres et les choses surgissent des phrases de la grande écrivaine de langue allemande. Laquelle, tournant paisiblement le dos aux conventions et aux genres que celles-ci étayent, laisse s’épanouir un essentiel peut-être plus profond que le leur.

     

    P. A.

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  • photo Pierre AhnneEn cette fin d’année, j’inaugure une nouvelle rubrique : Paroles d’écrivains. On y trouvera de temps à autre une citation, tirée d’un livre qu’en principe j’aime. Le choix sera parfaitement aléatoire, le but étant d’éveiller chez le lecteur les associations et le rêve. Vous me direz si tel est le cas.

     

    Quoi qu’il en soit, voici la première…

     

    « Il dégagea ses jambes d’un geste maladroit, s’allongea et mit ses poings sous sa tête, puis il se releva et se rassit. Tout le monde avait compris qu’il était amoureux et heureux, heureux jusqu’à l’angoisse ; son sourire, ses yeux et chacun de ses mouvements révélaient un bonheur accablant. »

    Tchékhov, La Steppe

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  • Au printemps dernier, Gil (P.O.L, 2015) m’était apparu comme un des plus originaux et des plus beaux parmi les romans que j’avais lus en ce début d’année 2015. Son auteure a aussi écrit plusieurs textes pour le théâtre, pour la danse, pour l’opéra, et un essai sur le compositeur Georges Aperghis (Georges Aperghis. Avis de tempête, Intervalles, 2007). Ce double intérêt pour la musique et pour la langue, pour ce qu’il y a de musique dans la langue, ajoutait à mon envie d’entendre Célia Houdart et de la faire entendre aux lecteurs de ce blog. Elle a bien voulu répondre à quelques questions.

     

     

    photo Maeva Da Cruz

     

     

    Comment en êtes-vous venue à écrire ?

     

    C’était à une époque où je faisais de la mise en scène. Il m’était apparu que coordonner les différentes instances qui concourent à un spectacle : les acteurs, la lumière, l’espace…, était déjà une forme d’écriture. Surtout, je montais, pour les mettre en scène, des textes que j’aimais, comme ceux de Musil ou de Pavese. La forme d’intimité qui se créait ainsi avec certaines écritures était d’un type nouveau, différent de celle que j’avais connue pendant mes études. Je n’arrivais pas à la nommer. Des amis comédiens ou danseurs m’ont fait remarquer que cette opération du montage avait une parenté avec l’écriture et, en effet, c’est quelque chose que je retrouve aujourd’hui quand je compose mes textes. C’était déjà une écriture mais avec les mots des autres, en somme.

     

    C’est donc par le théâtre que je me suis aperçue que j’aimais écrire. Cela a été un long chemin, qui a demandé de la patience : auparavant, j'avais pratiqué la sculpture du marbre. La taille directe. Je reviens dans Carrare (P.O.L, 2011, ndlr) sur cette étape de ma vie.

     

    En fait, mes premiers textes ont été des commandes. Un ami comédien m’avait demandé d’écrire quelque chose pour accompagner un personnage muet qu’il avait créé. Puis un autre comédien, des danseurs, m’ont à leur tour passé commande de textes. J’ai été également très attirée par l’écriture radiophonique. J’admirais beaucoup Beckett, Sarraute, Pinget, Tardieu, qui ont écrit pour la radio. Ces auteurs de la parole et de la voix. C’était en somme une étape intermédiaire entre la scène et le livre.

     

    Le passage au roman s’est fait dans des circonstances un peu particulières. C’était après une mise en scène qui m’avait laissée dans l’insatisfaction et au fond dans le doute : était-ce bien cela que je voulais faire de ma vie ?... J’étais allée passer une partie de l’été dans un appartement qu’on m’avait prêté, à Vevey. Un soir, il y a eu un orage très violent, un mini cataclysme, qui a fait éclater les vitres. Ce petit événement m’a mise dans un état de sensibilité extrême. J’éprouvais le besoin de faire quelque chose mais je n’avais rien de particulier à faire. J’ai alors écrit. En partant de cette situation et de ce trouble. J'ai écrit une fiction (Les Merveilles du monde, P.O.L, 2007, ndlr), qui était aussi un hommage à des photographes, en particulier à Edward Weston. Le fait que tout cela soit arrivé en Suisse n’est sans doute pas un hasard : il a fallu que je m’éloigne de la France, mais pas de ma langue. Séjourner en Suisse francophone, comme cela aurait peut-être été le cas dans d’autres pays comme la Belgique ou le Canada, a constitué pour moi un vrai voyage acoustique. L'écoute des petits écarts ou idiotismes, cette autre mélodie qu'offre le français tel qu'on le parle en Suisse romande, tout cela a agi. Je me suis mise là-bas à écouter ma langue maternelle, bien plus qu'en France.

     

    J’avais envie d’un éditeur réellement contemporain, et j’ai tout de suite pensé à P.O.L. C'est une maison qui me faisait rêver. Je dois dire que ça a été très rapide. Le manuscrit a été accepté tout de suite.

     

    Cependant, pour gagner ma vie j’ai continué à travailler dans le domaine du spectacle. J’ai été dramaturge, c’est ainsi que j’ai rencontré des gens de la musique baroque, un univers qui m’a passionnée.

     

     

     Comment écrivez-vous ?

     

    Par reprise de motifs préexistants. Mes textes s’appellent les uns les autres. Souvent, un élément dans un texte annonce un autre texte à venir. On trouve comme des signes avant-coureurs. Par exemple, il y a dans Gil un paravent d’Eileen Gray, qui sera sans doute présent d'une manière ou d'une autre dans mon prochain roman.

     

    De façon générale, je laisse beaucoup venir. J’ai tendance à ralentir le moment de la survenue des idées. Il faut que je travaille sur des choses qui restent mystérieuses à moi-même et puissent occuper mon imaginaire pendant un an ou deux. Je me méfie de ce qui serait trop évident : les choses doivent rester en partie des énigmes pour moi si je veux maintenir une certaine tension, qui est nécessaire et féconde, avec elles, avec ce que j'écris.

     

    Par ailleurs, j’essaie d’être régulière, d’écrire tous les jours un peu, même si ce ne sont que quelques lignes.

     

     

    Écrire, est-ce pour vous un travail ?

     

    Non, mais c’est une pratique quotidienne, qui consiste à laisser monter en soi un monde qu’on se met ainsi à fréquenter, ce qu’on n’aurait pas forcément fait sans cela. Un peu comme s’approprier des rêves … On se met au service de choses qui ne sont pas finies et qui vous emmènent quelque part, sans qu’on sache vraiment encore où. Je me laisse faire par ces choses, je les observe, je les écoute.

     

     

    Y a-t-il des auteurs dont vous vous sentez proche ?

     

    Je pratique beaucoup l’œuvre de Claude Simon, par fragments. Elle a sur moi un effet étrange, qu’on pourrait dire synesthésique : elle me met dans un état de sensibilité qui me dispose à écrire ce que je dois écrire. J’en relis des bouts et ça m’électrise. Alors que Proust, par exemple, que j'aime pourtant énormément, je ne peux « que » le lire. C'est une aventure en soi.

     

    J’ai aussi beaucoup lu Michaux, Baudelaire, Rimbaud, Hölderlin, Yeats, Montale, la poésie en général. J’y pense quand je veux éviter de m’empêtrer dans le fait de dérouler une histoire. Tardieu, Ponge, Perec aussi, je pense à eux, sans forcément les relire. Il y a également des auteurs comme Mario Rigoni Stern, Giono, Pavese, des auteurs qui ont peut-être en commun de ne pas instrumentaliser leurs personnages, de leur laisser une sorte autonomie. Ce ne sont pas des démiurges. Mais de grands observateurs du monde qu'ils ont créé et qui leur échappe presque.

     

     

    Quelle différence faites-vous entre l’écriture romanesque et les textes que vous destinez à la radio, au théâtre ou à l’opéra ?

     

    Les textes qui ne sont pas destinés au livre sont des textes qui ne tiennent pas tout seuls. Comme des corps incomplets. Ils ne sont pleinement eux-mêmes que par leur contact avec une altérité. D’ailleurs, ce sont aussi des textes qui sont en général le fruit d’une collaboration. Mais les deux types d’écritures peuvent se nourrir l'un l'autre. Gil, par exemple, est très inspiré de mes expériences dans le monde de la musique. Le roman est un lieu où se recueillent ainsi des expériences. Dans le roman, je consigne des choses qui m’importent et qui se déposent là, avant de se redéployer, du moins je l’espère, chez le lecteur.

     

     

    En lisant, par exemple, Gil ou Carrare, on est frappé par la manière dont vous vous attardez sur des lieux, des objets, des détails qui dans d’autres fictions resteraient sans doute secondaires. Quelle fonction leur attribuez-vous ?

     

    C’est vrai qu’il y a là presque une inversion de l’usage courant : pour moi, le décor est un personnage. Je pense qu’on est pris dans des jeux de forces physiques (météorologiques, par exemple, comme chez Musil). C’est quelque chose que j’éprouve très fortement. J’ai besoin de parler du monde réel. J’ai l’impression d’avoir des dettes envers certains lieux, certaines lumières, et je veux leur redonner la place qui est la leur. Mon expérience des autres arts m’a appris que par exemple certains gestes qui accompagnent la parole la déterminent ou la modifient, et que le sens est souvent révélé par le rapport qu'un corps entretient avec un objet. La seule présence n’est jamais seule, nue, sans la façon dont le monde l’accueille.

     

    De plus, je ne crois pas à la linéarité. Les histoires que je raconte restent toujours prises dans un champ plus large, et je m’efforce d’embrasser cette simultanéité.

     

    Mon étonnement reste grand devant les choses du monde, pas seulement humaines. Les déplier me fascine assez, même s’il faut en même temps trouver un équilibre avec la nécessité de raconter quelque chose. Mais j'aime que le fait de nommer une chose reste non évident, fort et grave à la fois. Avec en même temps un désir de donner une impression de facilité. De non travail. Pour moi, la banalité du quotidien doit rester une aventure. C’est la leçon des poètes dont je parlais tout à l’heure.

     

     

    En cette époque souvent tentée par le pavé, vous écrivez des romans courts. Pensez-vous entreprendre un jour quelque chose de plus long ?

     

    Le format de mes livres n’est pas prémédité. Peut-être qu’un jour un récit exigera plus de longueur. Mais la question est surtout celle de l’équilibre intérieur au livre et des effets de vitesse, ou de ralenti. Le rythme, c'est essentiel. Je me méfie aussi des attentes en termes de format. Il y a aujourd’hui une omniprésence, une vraie terreur du roman. Même s'il me convient pour tout ce qu'il permet, je trouve qu'il occupe presque trop de place. Phénomène qu'amplifient les prix littéraires.

     

     

    Sur quoi travaillez-vous en ce moment ?

     

    J’ai de la peine à en parler mais je peux quand même essayer de dire deux ou trois choses… Ce sera un roman qui accueillera des personnages appartenant à des générations très différentes, et qui s'aiment. Il abordera donc les questions de l’âge, du temps, de l'amour. Et aussi celle de l’utopie. Il y aura une petite communauté qui ne sera ni celle du couple (à deux) ni celle de la famille : deux très jeunes gens et une femme âgée. Et ces présences seront exposées à la lumière de la Côte d’Azur. Dans une nature luxuriante.

     

    Pour l'instant, il s'agit d'un texte un peu hanté par le souvenir d'Harold et Maude, le texte de Colin Higgins et le film de Hal Ashby, croisé avec celui de Paul et Virginie, de Bernardin de Saint-Pierre, que j'ai redécouvert avec émotion. Ce sera une forme d’idylle donc, dans un lieu un peu à part, préservé, presque une île. On y retrouvera Eileen Gray, la femme designer que j'évoquais tout à l’heure. Du moins son souvenir. Car beaucoup de scènes se passeront dans et autour de sa maison, la Villa E 1027 qui, avant d’être restaurée, a été squattée. On sera donc dans une ruine moderniste. La question du devenir d'une certaine modernité, des modernités, sera présente aussi, je pense.

     

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  • hwww.lesimpressionsnouvelles.comContinuer à se préoccuper de ce que les ennemis de la culture haïssent me semble une manière parmi d'autres de leur faire face.

     

    Dans cet esprit, mes lecteurs parisiens qui le souhaitent pourront se rendre

     

    jeudi 19 novembre (19 heures)

     

    à la Maison de l'Amérique latine (217, boulevard Saint-Germain, 75007 Paris)

     

    pour y assister à la présentation du livre Raoul Ruiz le magicien (Les Impressions Nouvelles)

     

     

     

    par ses auteurs, Benoît Peeters et Guy Scarpetta,

     

    en présence de plusieurs acteurs :  Anne Alvaro, Feodor Atkine, Arielle Dombasle, Jacques Pieiller, Melvil Poupaud, Edith Scob.

     

     

    Raoul Ruiz (1941-2011) est un réalisateur franco-chilien bien connu, auteur, entre autres films, de L'Hypothèse du tableau volé (1979), des Trois Couronnes du matelot (1983), du Temps retrouvé (1998) et des Âmes fortes (2001). L'ouvrage de Benoît Peeters et Guy Scarpetta comprend des entretiens entre Ruiz et Benoît Peeters, l'étude de neuf films par Guy Scarpetta, ainsi que des entretiens avec des acteurs.

     

    Guy Scarpetta est essayiste et romancier.

     

    Écrivain, scénariste, éditeur, Benoît Peeters a collaboré à plusieurs reprises avec Raoul Ruiz.

     

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