• Anne Serre, aimez-vous parler de vos livres ?

    Pour fêter le dixième anniversaire de mon blog, créé en septembre 2011, j’ai demandé à des écrivains que j’ai rencontrés ou dont j’ai parlé au cours de ces dix années de répondre à une question : « Aimez-vous parler de vos livres ? » Les textes qu’ils m’ont fait l’amitié de m’adresser paraîtront, à raison d’un par semaine, dans l’ordre où ils me sont parvenus.

     

    « J’ai parfois l’impression d’écrire dans une langue étrangère », disait Anne Serre dans l’entretien qu’elle a accordé à ce blog en 2017. Si ses œuvres appartiennent au domaine de la fiction, elle y pose toujours, entre les lignes, la question de la littérature et de ses pouvoirs. Elle le fait par le biais de l’humour et de l’étrangeté, frôlant l’autobiographie sans s’y installer, revisitant les genres — récit fantastique (Voyage avec Vila Matas, Le Mercure de France, 2017, voir ici), conte merveilleux (Petite table, sois mise !, Verdier, 2021), nouvelle (Au cœur d’un été tout en or, Le Mercure de France, 2020, prix Goncourt 2020 de la nouvelle, voir ici)… Sans cesse emportée par le besoin de saisir, comme elle le dit encore, « quelque chose qui est en avant [d’elle] et qui se dérobe ».

     

    Anne Serre, aimez-vous parler de vos livres ?

     

     

    A l’oral, pas tant que cela, parce que j’ai souvent l’impression d’être dans l’approximation ou la répétition. Mais à l’écrit, j’aime beaucoup. Les questions de l’interlocuteur me stimulent, m’ouvrent des perspectives et très souvent me font découvrir des choses auxquelles je n’avais jamais pensé. Je me rappelle par exemple un entretien pour Le Matricule des anges avec Eric Dussert, dont les questions m’avaient enchantée parce qu’elles m’avaient révélé, des années plus tard (car il m’interviewait sur un autre livre, Grande tiqueté [voir ici]), d’où sortait le ton de mon livre publié huit ans plus tôt, Petite table, sois mise !. Enfin je comprenais quelque chose que je n’avais jamais compris. Idem pour un entretien intense et fouillé avec Paule Constant (que nous n’avons pas publié finalement), qui avait carrément déclenché l’écriture d’un de mes livres, Dialogue d’été. J’ai eu aussi affaire à l’entretien « à l’anglo-saxonne » (quelques-uns de mes livres ont paru aux États-Unis et en Angleterre), et j’ai beaucoup aimé ces échanges qui ne sont plus seulement un dialogue mais un vrai travail à deux, long, fouillé, précis. C’étaient des entretiens par mails, où l’interlocuteur commençait par une ou deux questions, je répondais, puis il continuait en fonction de mes réponses. Je m’en rappelle un pour un certain Bomb Magazine (!) aux USA, par une jeune nouvelliste américaine, Mary South, qui me posait des questions un peu à la manière de la Paris Review, très précises, sur les textes, jamais sur la biographie. Idem pour un long entretien avec la jeune romancière bilingue, Nina Leger, pour la White Review (entretien qui a été repris, condensé, dans la NRF). Nous avons fait cela par mails, très nombreux, pendant le premier confinement, et ça a éclairé cette dure période. J’ai l’impression d’avoir plus appris sur mon travail au cours de ces interviews qu’à travers cent autres conversations et réflexions. Et ça a toujours déclenché quelque chose chez moi, pas forcément un livre à chaque fois, mais un renouveau.

     

    Anne Serre

     

    Illustration : Anne Serre en juillet 2021 dans le Cantal

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