• Pendant toute cette semaine, si vous êtes parisien et que le coeur vous en dit, vous pouvezRappel assister à la « fantaisie musicale » pour laquelle j'ai écrit un texte dans lequel viendront s'enchâsser des mélodies de divers musiciens sur des textes évoquant des animaux...

     

    Tous les détails sur l'affiche ci-contre. Voir aussi mon article du 20 février.

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  • http-_www.cinematheque.frOn éprouve toujours un certain malaise à voir l’horreur mise en fiction par des gens qui ne l’ont pas vécue. Peu d’auteurs réussissent à faire oublier ce malaise, c’est-à-dire à lui donner la puissance littéraire susceptible de le transformer en autre chose. Littell y parvenait, avec ses Bienveillantes, grâce à l’excès même qui caractérisait son entreprise. Robert Merle aussi, en se fondant, dans La mort est mon métier, sur les réels Mémoires de Rudolf Höss, le commandant d’Auschwitz. Les narrateurs et personnages principaux de ces deux livres étaient des officiers SS. Les bourreaux supporteraient-ils mieux le roman que les victimes ?...

     

    Hadamar existe. C’est une petite ville pas très loin de Cologne. Son château, son vieux pont de pierre. Son hôpital psychiatrique, qui servit de centre de mise à mort pour les handicapés et malades mentaux dans le cadre de ce que les nazis appelèrent « Aktion T4 ». Environ 15 000 personnes ont péri là, de janvier à août 1941 par gazage au monoxyde de carbone, puis, à partir de 1942, par piqûre ou de faim.

     

    « Un pan ignoré de l’histoire… »

     

    Oriane Jeancourt Galignani, « franco-allemande », insiste-t-elle partout, rédactrice littéraire de Transfuge, tente donc ici, nous dit la quatrième de couverture, « le premier roman sur un pan ignoré de l’histoire de l’Europe en guerre ». Ainsi, il fallait un roman… Oriane Jeancourt Galignani en a eu l’idée la première. Elle le publie dans une collection qui s’intitule « Le Courage », dirigée par Charles Dantzig.

     

    Et c’est bien un roman. Frantz, journaliste démocrate, sort de Dachau. Il espère retrouver son fils, Kasper, jeune adulte à présent, qu’il a élevé seul. Ses recherches le conduisent à Hadamar. Il y fait la connaissance du commandant Wilson, juif, musicien, qui a, chez lui, en Amérique, une sœur souffrant elle-même de troubles mentaux. Wilson enquête sur ce qui a eu lieu et veut à tout prix un procès. Frantz pourrait l’aider en rédigeant un grand article. Il est tenté de le faire, mais quel était l’emploi exact de Kasper, qui se cache à présent en ville, à l’hôpital ?... On l’aura compris, on est dans la zone grise. Oriane Jeancourt Galignani l’explore avec une grande adresse. Elle sait mener une progression, ménager des secrets et des dévoilements successifs, maintenir, avec beaucoup de matière mais peu d’action, un indubitable suspense. Le malaise dont je parlais n’en est pas amoindri, tout au contraire.

     

    Le livre et le roman

     

    L’auteure l’éprouve elle-même, dirait-on, et cherche à le neutraliser par l’expression de l’indignation. Laquelle ne va pas sans une inévitable dose de grandiloquence. Elle convoque aussi Goethe, Schönberg, toute une indiscrète culture au syncrétisme quelquefois surprenant — les Nibelungen et les chevaliers de la Table ronde figurant en toute convivialité… sur le porche d’une église ; bizarre. Comme sont étranges ce « bermuda » et ces cigarettes à bout filtre en 1945, ou ces « bas nylon » dans l’Allemagne des années 1930. Les innombrables fautes de français n’arrangent rien : ici, on « crie sur » les malheureux patients ; « on devine (…) les silhouettes des infirmières s’activer »…

     

    Enfin, encore une fois, pourquoi un roman ? Si l’originalité est dans le choix du sujet, un ouvrage historique n’aurait-il pas pu tout aussi bien nous transmettre tout ce qu’on apprend ici, sans autre répugnance que celle qu’aurait suscitée son accablant contenu — c’est déjà beaucoup ?

     

    Malgré tout, il y a les lieux. L’auteure a l’art, il faut aussi le lui accorder, d’en faire sourdre la beauté, tragique en son indifférence, ou l’angoisse. Maisons muettes dans « le morne calme qui suit une nuit de pluie », caves aux couloirs carrelés, « lourdes bâtisses » où « des fenêtres hautes reflètent la lumière »… Une petite fille joue avec un chien au bord d’un fleuve sans s’apercevoir qu’un homme l’observe. Un couple, juste après, fait l’amour derrière une fenêtre, guetté depuis la ruelle par le même personnage. C’est l’ambiance d’un film de Sternberg ou de Murnau. Elle sauve le livre. Mais le roman ?...

     

    P. A.

     

    Illustration : dessin de Otto Erdmann pour La Rue sans joie.

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  • Rose au zooAvant d’être « une fantaisie musicale » comme l’indique le sous-titre, Rose au zoo était un texte que j’ai écrit en pensant à Marion Hérold et à ses talents d’actrice et de chanteuse. Du 28 février au 5 mars 2017, au Théâtre de l’Île-Saint-Louis, elle interprétera ce texte en y enchâssant des mélodies de Poulenc, Offenbach, Wiener, Bernstein… sur des poèmes ayant tous pour thème le monde animal.

     

    Si vous êtes parisien pendant cette semaine-là, je serai heureux d’avoir votre avis sur ce spectacle et, qui sait, de vous y rencontrer. Il est conseillé de réserver au théâtre. Tous les détails figurent sur l’affichette ci-contre.

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  • http-_www.comite-valmy.orgLa parenté de l’Histoire et du roman est une évidence qu’on hésite à rappeler. Ils sont proches dès l’origine, puisque c’est la nouvelle, genre « historique », qui, en s’allongeant, devient le roman moderne (exemple de ces nouvelles en pleine mutation, La Princesse de Clèves — « La magnificence et la galanterie n’ont jamais paru en France avec tant d’éclat que dans les dernières années du règne de Henri second »). Plus tard, les deux genres connaîtront ensemble leur âge d’or, Michelet et Augustin Thierry répondant à Stendhal (Le Rouge et le Noir), Flaubert (L’Éducation sentimentale) ou Tolstoï (Guerre et Paix).

     

    Ce début non dépourvu de cuistrerie pour attirer l’attention sur une autre lapalissade : d’habitude, c’est le roman qui s’empare de l’Histoire et la fait entrer dans le roman. L’inverse, à ma connaissance, est plus rare. Or, faire entrer le roman dans l’Histoire, voilà ce qu’entreprend Philippe Videlier. C’est elle, la véritable et la seule héroïne de ces Quatre saisons à l’Hôtel de l’Univers.

     

    Aden Arabie

     

    Quelle histoire ? Celle de l’univers. Mais vu, il le faut bien, d’un point particulier : ce qu’on appelle aujourd’hui le Moyen-Orient, et singulièrement Aden, où Rimbaud, personnage romanesque s’il en fut, posa, un fusil à la main, sur la terrasse de l’Hôtel de l’Univers.

     

    Donc, Aden, de 1839, date où les Anglais s’en emparent, à 1986, qui voit s’écrouler, pour ne plus se survivre que quelques années encore, la fragile République populaire du Yémen du Sud qui avait fini par s’y édifier. Et, depuis ce « carrefour stratégique de l’océan Indien, de la mer Rouge et de la Corne de l’Afrique », le devenir d’une partie du monde où se croisent et se concentrent les contradictions et les convulsions d’une époque — celle des empires coloniaux, de leur splendeur et de leur chute.

     

    Pas de fiction, ou si peu (tout au plus aperçoit-on, au détour d’un chapitre, Phileas Fogg et Passepartout, de passage à Aden dans leur célèbre tour du monde). Même si le poète des Illuminations revient régulièrement traverser la scène, pas de héros ni d’héroïne non plus, hors celle que nous avons déjà mentionnée. Mais pas davantage de notes en bas de page ou d’érudition apparente — même s’il en faut, et comment, pour mener à bien ce qui n’est pas un ouvrage historique mais se fonde sur une connaissance encyclopédique de l’Histoire et regorge de citations semées ici et là avec une élégante négligence.

     

    Une manière absolue de voir les choses

     

    Car que reste-t-il, une fois écartées les caractéristiques les plus visibles des deux genres que Philippe Videlier, historien au CNRS et romancier, s’emploie à dépasser en une féroce et jubilatoire synthèse ? Un style.

     

    C’est-à-dire, d’abord, une manière de raconter. Lawrence d’Arabie, Nizan, bien sûr, Nasser… une foule de personnages se presse dans ces pages, plus romanesques que bien des héros de roman. C’est un somptueux et tragique kaléidoscope que Philippe Videlier déploie devant nous, où se mêlent violence coloniale, complots, espions, pogroms, assassinats et conflits chauds ou froids de toutes sortes. Il le fait avec la fausse nonchalance et l’ironie sombre d’un Vialatte qui survolerait les siècles et la péninsule Arabique. S’offrant des chapitres de pure comédie (la déposition du roi d’Égypte est un régal), citant malicieusement Tintin, lequel concurrence Rimbaud dans le rôle de figure récurrente (« Chiens d’Anglais ! Ils jettent des tracts ! »).

     

    De Vialatte, il a cet autre ingrédient du style : l’art de la phrase. Et, comme celle de l’auteur des Fruits du Congo, la sienne procède par accélérations soudaines et juxtapositions inattendues. Ainsi de ce déclenchement de la Première Guerre mondiale : « Par malchance (…) l’archiduc François-Ferdinand, héritier de l’Empire austro-hongrois, se fit moucher par un Browning 7,65 à l’entrée du petit pont enjambant une rivière. 28 juin 1914, onze heures quinze. À Paris, au Café du Croissant, le socialiste Jean Jaurès, un barbu bon mangeur, reçut une balle dans l’occiput en terminant sa tarte aux fraises. 31 juillet, vingt et une heures quarante. D’assassinat en assassinat, avec une rapidité effarante, l’Europe sombra ». Ou de ce portrait de Nasser : « Il était une sorte de Simbad, Nasser, parti à l’aventure contre les monstres et les éléments. Son père était employé des Postes ».

     

    On constatera une fois de plus que la phrase et le style en général sont bien un point de vue sur le monde. Sans rien amoindrir des violences, des haines, de l’oppression et de l’exploitation de l’homme par l’homme, l’auteur de Quatre saisons à l’Hôtel de l’Univers nous place à ce point de vue élevé pour nous faire traverser un siècle et demi de bruit, de fureur et de drames grandioses ou dérisoires. On le parcourt comme un roman.

     

    P. A.

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  • Paroles d'écrivains« C’était une belle neige d’une pureté boréale. Jean Rabe la regardait avec appétit comme quelque chose qui se mange. Toute la vie intellectuelle de Jean Rabe, depuis sa sortie du lycée, semblait consacrée au perfectionnement des désirs de choses qui se mangent. Il était devenu d’une habileté surprenante dans l’art d’imaginer des nourritures. »

    Pierre Mac Orlan, Le Quai des brumes

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