• http-_www.teslogos.comStern qui est écrivain dit j’ai des acouphènes car je suis écrivain, à longueur de journée retentit dans mes oreilles le bruit d’une de ces grosses machines à écrire à peu près impossibles à déplacer qu’on voyait encore dans les bureaux au début des années soixante ou qu’on voit dans les films...

     

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  • « Je l’ai trouvé joli peut-être, ou j’ai éprouvé pour lui cet infect sentiment de pitié que j’ai si souvent éprouvé devant les choses, surtout les petites choses amovibles en bois ou en pierre, et qui me faisait désirer les avoir sur moi et les garder toujours, de sorte que je les ramassais et les mettais dans mes poches, souvent en pleurant, car j’ai pleuré très vieux, n’ayant pas évolué au fond côté affections et passions, malgré mon expérience. »

    Beckett, Malone meurt

     

    photo Pierre Ahnne

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  • Dans une semaine, tout juste, nous nous apprêterons à nous rendre, sous la neige et munis de lanternes, qui à la messe de minuit, qui à quelque repas bien arrosé en compagnie de personnes chères. Que mettrez-vous dans votre hotte ? Comme tous les ans, voici en guise de suggestions quelques rappels de cette rentrée…

     

    photo Pierre Ahnne

     

     

    Éric Faye, Éclipses japonaises (Seuil)

     

    L’auteur de Nagasaki a rapporté du Japon ce livre qui évoque le destin des personnes enlevées puis retenues en Corée du Nord dans les années 1970 et 1980. Sans négliger les aspects romanesques et émotionnels de l’histoire, Éric Faye l’imprègne du fantastique discret qui lui est cher et l’inscrit insensiblement dans la tradition des grands mythes.

     

     

    Andreï Guelassimov, Les Dieux de la steppe, traduit du russe par Michèle Kahn (Actes Sud)

     

    L’histoire d’un petit garçon admirateur de l’Armée rouge, dans un village de Sibérie, vers la fin de la Seconde Guerre mondiale. Et celle d’un prisonnier de guerre japonais, expert en herbes médicinales, qui finira par tenir lieu de père au premier… L’auteur de La Soif fait le portrait triste et désopilant d’un monde où règnent la violence, la misère, le désir frénétique de vivre.

     

     

    Claudie Hunzinger, L'Incandescente (Grasset)

     

    L’auteure d’Elles vivaient d’espoir revient au passé maternel dans ce livre qui se donne comme le deuxième d’une trilogie en devenir. Il s’agit ici de Marcelle, avec qui la mère de Claudie Hunzinger connut une brève et lumineuse histoire d’amour entre les deux guerres. L’écrivaine sauve de l’oubli des jeunes filles que la vie a « stoppées net ». Mais, comme toujours, son vrai sujet demeure l’être au monde, dans l’équilibre fragile que lui prête l’écriture.

     

    photo Pierre Ahnne

     

     

    Simon Liberati, California girls (Grasset)

     

    Ce sont les « girls » de Charles Manson, celles qui, en 1969, assassinèrent, entre autres victimes, Sharon Tate, la jeune épouse de Polanski. Avec les moyens du roman, et en virtuose, Simon Liberati nous fait partager quarante-huit heures de la vie de ces créatures qu’il rend humaines sans atténuer leur monstruosité. Portrait en négatif d’une époque fleurie, et plongée dans le monde de l’absurde et de la mort.

     

     

    Gilles Sebhan, La Semaine des martyrs (Les Impressions nouvelles)

     

    Ces martyrs, ce sont ceux de la révolution égyptienne de 2011. Le narrateur les côtoie dans les rues lors d’un premier séjour au Caire. Il rend ensuite visite à leurs familles, avec Denis, son ami photographe, dans le cadre d’un travail de mémoire consacré à ces jeunes morts. Exotisme, désir, politique… Gilles Sebhan entrecroise ces fils, en une méditation subtile et sans concession sur ce qui les rapproche ou les oppose.

     

     

    Marie Sizun, La Gouvernante suédoise (Arléa)

     

    Marie Sizun plonge dans l’histoire de ses ancêtres franco-suédois. Et ressuscite son arrière-grand-mère, la fragile Hulda, son arrière-grand-père Léonard, Livia, la mystérieuse gouvernante du titre… Par la grâce d’une écriture toute en finesse, l’auteure du Père de la petite éveille une étrange empathie avec ces êtres disparus, et se peint elle-même dans le double portrait de ses héroïnes.

     

     

    Colm Toibin, Le Testament de Marie, traduit de l’anglais par Anna Gibson (10-18)

     

    La femme du titre est bien celle à qui chacun pense… Dans un long monologue, elle livre une vision assez peu catholique de la vie de ce Fils qui aurait mieux fait de rester à la maison. Avec un émouvant portrait de femme, le romancier irlandais livre une méditation profonde et originale sur la façon dont se racontent toutes les histoires.

     

    Une adaptation théâtrale du roman de Colm Toibin sera à l’affiche de l’Odéon au printemps 2017. Dominique Blanc y jouera le rôle de Marie.

     

    photo Pierre Ahnne

     

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  • « Elle était dans sa boutique comme l’effigie des lundis de fin d’hiver ou de l’automnephoto Pierre Ahnne revenant, des heures très basses où la vie, si l’on n’y prend garde, a tôt fait de nous entraîner. Laide, mal soignée, couleur de pomme de terre, elle avait aussi la voix terreuse, éteinte qu’on prêterait à celles-ci lorsqu’on s’avise d’y songer. Elle ne pensait qu’à faire son bruit de pomme de terre avec d’autres bonnes femmes qui lui ressemblaient. On était là, le filet à provisions dans une main, l’argent des commissions serré dans l’autre, et les deux pecques continuaient comme si de rien n’était, faisaient avec leurs voix, disaient interminablement des choses grises tirant sur le brun. »

    Pierre Bergounioux, La Mort de Brune

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  • http-_matt.my.tripper-tips.comC’est le premier livre d’elle que je lis. Je m’étais fait de l’auteure galloise l’image d’une sorte d’ « icône lgbt » ­— une amie anglaise s’était même étonnée de la voir publiée en France dans des collections destinées au grand public. Honte à moi, je ne me sentais concerné qu’en partie. Et puis, l’éditeur a eu l’amabilité de m’adresser l’ouvrage, j’ai constaté qu’il était traduit par Alain Defossé, dont les qualités de traducteur n’ont d’égal à mes yeux que ses dons de romancier… Bref, je me suis lancé dans la lecture de ce pavé dont le titre français joue sur les associations que j’évoquais plus haut, tandis que l’anglais (The Paying Guests) met l’accent sur ce qui pourrait être considéré comme un personnage essentiel de l’histoire : la maison où elle se déroule.

     

    Le roman en majesté

     

    Cette maison est celle de Frances et de sa mère, dans un quartier plutôt élégant du sud de Londres. La jeune femme sort d’une histoire d’amour compliquée avec Christina. Ses frères ont péri pendant la Première Guerre mondiale, laquelle vient de s’achever. Son père est mort il y a peu de temps après avoir gaspillé le patrimoine en spéculations hasardeuses. Pour pouvoir continuer d’habiter la vaste demeure, il faut y accueillir des locataires : ce seront Leonard et Lilian, un jeune couple… Ce dont on se doute bien que ça doit advenir arrive : liaison clandestine Frances-Lilian, meurtre de l’encombrant Leo ; après quoi le roman bascule dans une intrigue plus judiciaire que policière mais irréprochablement haletante.

     

    Et pourtant, 700 pages… Mes lecteurs habituels mesureront, venant de moi, l’éloge, quand j’aurai dit qu’il les faut bien. Ce qui révèle un tour de force, compte tenu du fait que tout se passe en quasi huis clos et au point de vue de la seule Frances. Mais Sarah Waters possède à fond l’art des temps forts et des temps faibles, connaît celui des rebondissements, sait ménager des gradations psychologiques pratiquement insensibles en leur subtilité. Bref, c’est le roman classique dans toute sa splendeur, à tous les sens que cette dernière expression pourrait prendre. L’arrière-plan historique (les bouleversements qui font suite à la guerre, dans les esprits et dans les mœurs) est bien là, précis sans devenir pesant. Comme toujours chez les Anglais, les différences sociales, finement dessinées, jouent un grand rôle. Le premier revenant, bien sûr, à la condition faite aux femmes.

     

    Morale revigorante

     

    Cela étant, on serait à la limite du pastiche s’il n’y avait, il faut bien le dire, les scènes de sexe. Car enfin on est en train de lire quelque chose qui pourrait, à peu de chose près, avoir été écrit au moment où se situe l’action, et voilà qu’on tombe sur : « Leurs ventres, leurs seins trempés de sueur glissaient l’un contre l’autre comme lubrifiés » ; ou encore : « La nudité ne leur suffisait plus : elle aurait voulu traverser la peau de Lilian, la posséder de l’intérieur, avec ses mains, ses lèvres, sa langue » ; ou enfin : « Mes ongles vous réclament. Les cheveux sur ma nuque se hérissent dès que vous apparaissez. Les plombages de mes dents se languissent de vous ». Ça fait un choc.

     

    Bien entendu, il s’agit de restituer au lecteur l’effet qu’aurait pu produire la découverte d’une telle relation dans le contexte de l’époque, le décalage entre le classicisme général et la soudaine crudité de certains passages matérialisant le scandale que peut représenter la sexualité féminine dans une société dominée par les hommes. Les deux héroïnes se débattent en effet sans cesse contre le poids de la norme sociale. Ce poids est d’abord celui des choses : dans ce roman d’une passion, il est question d’un chauffe-eau capricieux, d’un carrelage qu’il faut nettoyer au vinaigre (« Le savon laiss[e] des traces blanches sur les carreaux noirs ») ; des « taches d’un beau jaune et [des] frisottis roux et mouillés qui constell[ent] le rebord de la cuvette »… Frances entretient la fameuse maison, et ses tâches quotidiennes sont décrites avec une précision qui suggère qu’on est plus loin que le réalisme, aux confins d’un quasi fantastique chargé de sens. Ainsi le corps inerte de Leonard, péniblement descendu par l’escalier, semble la somme de toutes les pesanteurs auxquelles ses deux meurtrières tâchent désespérément d’échapper. Mais toute la subtilité du roman de Sarah Waters réside en ceci : pour mieux faire partager leur effort au lecteur, la narratrice, si ce n’est l’écrivaine, se bat elle-même contre des normes d’écriture romanesque auxquelles elle a choisi dans le même temps, et avec quel talent, de se plier, pour mieux les subvertir et les saper de l’intérieur.

     

    À cet égard, on appréciera notamment l’audace du « happy end » final, presque incongru dans ce genre de récits généralement empreints de fatalisme judéo-chrétien, et qui voit les deux rebelles accepter l’idée que, décidément, elles « ne peuvent pas » regretter quoi que ce soit. Amoralisme tranquille et plutôt réconfortant, par les temps qui courent. Ou par tous les temps.

     

    P. A.

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